Mon travail, inspiré par l’histoire, entretient un dialogue entre l’humanité et l’espace qu’elle occupe. Les œuvres proposées font partie de la série Errances, qui interroge notre sens de l’hospitalité. En 2023, je publiais un livre d’artiste comportant des dessins inspirés des pictogrammes qu’utilisaient les vagabonds durant l’entre-deux-guerres. Ces signes utilisés par les itinérants renseignent sur les détails du quotidien et communiquent de l’information sur les dangers ou les avantages d’un lieu. Mon texte explique leur origine et réfléchit sur le partage du territoire et ses conséquences sur l’urbanisme. J’ai été interpellée par le caractère graphique de ce code qui transcende les langues.
Ce langage pour initiés participe à la création d’une communauté et constitue les éléments documentaires d’une manière de vivre. J’ai dessiné sur du papier aquarelle les signes, parfois seuls, parfois en les comparant selon leur pays d’origine. J’ai adopté le code de la route qui régit notre vie quotidienne pour subdiviser ces signes en trois parties selon la signification de chaque pictogramme : rouge pour Danger, jaune pour Prudence et vert pour Sécurité, à l’exception du bleu pour l’eau ou la foi. Il en résulte une série de 123 petits dessins (23 x 17 x 2 cm). La force du nombre, de la répétition et de la variation de motifs simples transporte le spectateur au cœur des préoccupations de l’itinérance. Le parcours de l’œuvre, sorte de déambulation, commence par la section des aquarelles rouges, suivie de la section des jaunes et enfin des vertes. Ces œuvres ont été présentées au public à la maison de la culture Claude-Léveillée à Montréal en janvier 2024.
Pour cette exposition, j’ai sélectionné six dessins rouges, six jaunes et six verts pour former trois tableaux. Chaque tableau est composé de trois dessins en largeur et de deux dessins en hauteur et occupe un espace de 46 cm x 85 cm x 2 cm.
Suzanne Cloutier vit et travaille à Montréal, sa ville natale. Elle est diplômée de l’Université Concordia en peinture et en dessin, qui demeurent ses outils de prédilection. Ses œuvres explorent des thèmes empruntés à l’histoire de l’art et à l’actualité. Elle s’attarde particulièrement à la violence humaine. Ses peintures, dessins et lithographies ont fait partie d’expositions solos et collectives, principalement dans le réseau des maisons de la culture de Montréal et dans des centres d’artistes du Québec. Attirée par le livre d’artiste, Suzanne Cloutier s’est formée à la reliure d’art et à l’écriture et, en 2018, a fait ses débuts dans ce domaine en présentant Vagrancy — Signs for Survival à la foire Volume 1 MTL. Également décoratrice en chef de cinéma, elle a collaboré à plus de soixante productions québécoises et étrangères, dont Source Code, Brooklyn ou Scream VI. Son livre Errances, publié aux éditions du Passage, est son premier ouvrage. |
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La nature, c’est ce qui m’habite et m’habitera toujours. Elle s’est enracinée en moi, tatouant mon cœur de son empreinte vibratoire. C’est elle qui a forgé mon identité et demeure, encore aujourd’hui, ma matière première. Spontanément, je suis arrivée à la peinture par la nature, portée par l’émerveillement et la paix qu’elle m’inspire. Entre nous, c’est un dialogue constant avec le visible.
Autrefois, je peignais la nature à distance, observant le paysage avec recul. Aujourd’hui, je m’y installe pleinement. Je suis passée du paysage à la forêt. J’aime l’atmosphère de ces lieux de verdure, leur lumière changeante, le bien-être qu’ils procurent. Mon travail cherche à créer des atmosphères capables de révéler le sensible, d’éveiller l’émotion, de transporter ailleurs — là où la beauté devient refuge.
La pandémie a marqué un tournant dans ma pratique : je me suis initiée à la peinture à l’huile, ce qui a mené à une première exposition sur les forêts. Puis, un thème s’est imposé à moi : « Les traces qu’on laisse ». J’ai repensé à des photographies que j’avais prises, en résonance parfaite avec ce sujet. Et un jour, un heureux hasard s’est produit : dans mon jardin, sur une pellicule plastique, la condensation a dessiné des formes éphémères que j’ai capturées à l’objectif.
Ce fut le début d’un duo entre la nature et moi. La photographie, jusque-là discrète, est devenue centrale. Elle s’est mariée à la peinture dans une pratique à deux voix : la nature livre sa part de création, et j’y ajoute la mienne. Ensemble, nous laissons une trace. Une trace poétique, fragile, durable — ancrée dans la mémoire vivante du monde.
Rollande Goudreault vit et travaille au Québec. Elle débute sa formation artistique dès l’âge de 17 ans en arts graphiques à Québec, où elle découvre le milieu des arts visuels. Elle complète par la suite un baccalauréat en arts visuels à l’Université Laval, enrichi de stages, puis un second baccalauréat en arts plastiques à l’UQAM, après avoir intégré la Galerie Jean-Pierre Valentin à Montréal. Un séjour d’un an en Suisse contribue également à élargir sa vision artistique.
Depuis la fin des années 1980, elle explore le lien entre art et nature à travers divers médiums : pastel, huile, photographie. Son œuvre est marquée par une relation intime au territoire, notamment aux forêts québécoises et aux paysages nordiques. En 2004, elle présente une exposition à Iqaluit, témoignage de cette connexion profonde avec les paysages du Grand Nord. |